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Fermes laitières de l’axe atlantique Des bilans azotés de 100 à 500 kg/ha

Les éleveurs laitiers de l’Ouest de la France maîtrisent plutôt bien leurs excédents d’azote. Mais ils sont situés sur un milieu tellement sensible que leurs efforts ne suffisent encore pas aujourd’hui à empêcher le lessivage de l’azote vers les eaux. Bilan de trois années du projet Green Dairy.

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« On perd par lessivage 10 à 20% des excédents dans les prairies longues durée du Nord et on perd de 30 à 60% dans nos systèmes de cultures fourragères », présente Hélène Chambault, de l’Institut de l’élevage. (© Intitut de l'élevage)
Malgré une gestion économe des intrants, les pertes d’azote par lessivage demeurent importantes dans les régions de l’Ouest de la France (Bretagne, Pays de Loire). La comparaison des pratiques agricoles laitières de l’ensemble de l’arc atlantique européen a en effet mis en évidence le caractère peu excédentaire des bilans d’azote de l’Ouest français par rapport à d’autres régions d’élevage laitier d’Europe. Pays de Loire et Bretagne sont les deux régions qui se placent en tête pour les faibles excédents azote des réseaux de ferme pilote. Pour autant, les niveaux de nitrates dans les eaux demeurent plus importants que dans les autres zones productrices de lait telles que les pays du Nord (Ecosse, Angleterre, Irlande) ou même les pays du sud pourtant fortement plus intensifs. Ces résultats ont été obtenus par les scientifiques du projet Green Dairy qui a mobilisé pendant trois ans 50 chercheurs et techniciens et 140 éleveurs représentant 11 régions de l’arc atlantique (Irlande, Ecosse, Royaume Uni, France, Espagne, Portugal).

Description du bilan de l’azote dans 3 systèmes atlantiques distincts
Entrées, sorties et bilan en kg d’azote/ha de Sau (Surface agricole utile)

 
 
Irlande
Pays de Loire
Portugal
Entrée
Fertilisant
Aliments
Autres (animaux, paille)
269
32
92
59
212
524
18
Sorties
Lait
Viande
Cultures
47
14
0
27
7
27
180
22
10
Bilan
 
240
93
502
Bilan (kg N pour 1.000 l)
 
28
19
15
Source : « Optimisation des pratiques environnementales dans un réseau de fermes pilotes », Christelle Raison, André Pflimlin, Institut de l’élevage, Journée Green Dairy, Nantes, 8 février 2007.

Le lessivage est lié au système et aux conditions du milieu

Les résultats de ce projet montrent que le lessivage ne dépend pas seulement du bilan d’azote mais qu’il est davantage lié au système et aux conditions du milieu (sol, climat, boisement,..). « La teneur en nitrate dans l’eau est corrélée à 60% à la nature des surfaces (forêt, % de Sau, pourcentage de cultures par rapport aux prairies) », présente André Pflimlin, de l’Institut de l’élevage. Drainage hivernal et occupation des sols sont des critères déterminants de la sensibilité d’un secteur géographique au lessivage.
« Globalement, nous avons des niveaux de lessivage très variables dans l’axe atlantique. On perd par lessivage 10 à 20% des excédents dans les prairies longues durée du Nord et on perd de 30 à 60% dans nos systèmes de cultures fourragères », présente Hélène Chambault, de l’Institut de l’élevage.
Ainsi, des systèmes herbagers intensifs d’Irlande (plus de 10.000 kg de lait/ha de Sau, chargement supérieur à 2 et forte fumure) avec des excédents d’azote de 120 à 270 kg/ha lessivent moins que des systèmes fourragers bretons à moindre chargement et moindre productivité. « Les systèmes basés sur la prairie de longue durée, organisent davantage d’azote (teneur élevée en matière organique des sols) », développe Hélène Chambaut. « Inversement, les rotations de cultures fourragères avec des retournements de prairies fréquentes, stimule la minéralisation de l’azote. Dans ces systèmes, le couvert végétal n’est pas toujours suffisamment développé pour capter les nitrates présents. » Par ailleurs, la nature limono-sableuse des sols bretons les rend plus vulnérables que les sols irlandais plus argileux. « Ces derniers sont en revanche plus sensibles à la dénitrification et aux pertes d’azote par l’air. »

La Bretagne peut réduire de 30kg/ha son excédent d’azote

Pour Jean-Luc Fossé, président du comité de pilotage « Le raisonnement à l’exploitation n’est pas pertinent »
« J’ai découvert cette opération originale sur les pertes par excédents d’azote dans les systèmes laitiers »,  témoigne Jean-Luc Fossé. Eleveur laitier en Ile et Vilaine, et président du pôle herbivore de la Chambre régionale d’agriculture de Bretagne, il a assuré la présidence du comité de pilotage du projet Green Dairy. « Cette opération doit permettre d’éclairer les décideurs européens sur les seuils résiduels d’azote acceptables. En montrant toute l’hétérogénéité régionale observée juste en restant sur l’axe atlantique, ces résultats soulignent l’intérêt de définir des chiffres adaptés à chaque région. La plus grande surprise dans cette étude est bien en effet que les systèmes extensifs de l’ouest de la France aient de moins bons résultats que les systèmes intensifs du sud de l’arc atlantique. Enfin, le raisonnement à l’exploitation n’est pas pertinent et il faudra réintégrer la ferme laitière dans son contexte de territoire. On raisonne aujourd’hui par rapport au chargement de la ferme et on s’aperçoit que ce n’est pas pertinent car d’autres éléments interviennent et notamment la présence de boisements, de cultures,…Par ailleurs, ce projet nous a permis d’échanger avec d’autres régions en terme de recherche et par le nombre d’éleveurs sensibilisés d’avoir un effet démultiplicateur. »


« Cette opération doit permettre d’éclairer les décideurs européens sur les seuils résiduels d’azote acceptables», souligne Jean Luc Fossé (© Institut de l'élevage)
Il est vrai que si le bilan d’azote reste un outil intéressant pour progresser à l’échelle de l’exploitation, il ne permet pas de présager des pertes d’azote et des concentrations de nitrates dans les eaux. « On s’aperçoit effectivement que les prairies pérennes protègent mieux l’eau que les rotations ray grass-maïs pourtant plus économes en azote », conclut André Pflimlin.

« En Bretagne, les marges de progrès sont essentiellement à rechercher dans la valorisation optimale des engrais de ferme pour réduire ou supprimer les engrais minéraux», souligne André Pflimlin, de l'Institut de l'élevage. (© Institut de l'élevage)

Pour lui, il existe encore des marges de progrès et elles sont essentiellement à rechercher dans la valorisation optimale des engrais de ferme pour réduire ou supprimer les engrais minéraux. « La Bretagne peut réduire de 30kg/ha son excédent d’azote et revenir dans la moyenne », résume André Pflimlin. Cette évolution ne devrait pas être modifiée même si dans un avenir proche, les éleveurs augmentent la productivité par vache de + 1000 à + 2 000 kg/an. « Cela n’influe pas beaucoup sur le bilan car cela libère des surfaces pour les cultures de vente. »
« En Bretagne, l’optimisation d’un système laitier peut faire économiser près de 60 kg N/ha»,
présente Anne Bras, des Chambres d’agriculture de Bretagne. « Pour une exploitation avec une production de 6.500 kg de lait/ vache, un chargement de 1,6 et 20% de maïs dans la surface fourragère, l’optimisation des pratiques permet de passer d’un bilan azoté de 128 kg/ha à 70. Cela passe par la suppression des apports d’azote minéral sur maïs et prairie, et une optimisation de la gestion de l’azote organique sur prairies, ainsi qu’une diminution de la consommation de concentrés. »

Green Dairy - Les pertes de minéraux sont des pertes de revenus

La réduction du bilan des minéraux va de pair avec l’amélioration de la marge sur aliments et fertilisants. Et elle va se faire sentir jusqu’au revenu. Ainsi sur la ferme pilote de Yves Marchand à Sion les Mines (44), la réflexion sur le bilan des minéraux a conduit l’éleveur à s’orienter vers un projet permettant un gain de revenu de 3000€. Yves Marchand, avec un quota de 394 000 l,  8500 l/vache/an, a choisi d’augmenter la surface en herbe et de diminuer les surfaces en maïs ensilage et les quantités de concentrés. Dans le nouveau système, le chargement passe de 1,5 à 1,3, la surface en herbe de 39 à 52 ha, les achats d’aliments extérieurs sont réduits, venant aussi améliorer le solde du bilan des minéraux qui passe de 128 à 115 kg/ha. L‘augmentation de la surface en herbe de 30% permet de réduire sensiblement les charges d‘exploitation (concentrés, engrais). Par ailleurs, la réduction des surfaces en cultures (maïs et blé) de 15 ha permet de mieux répartir le travail sur l‘année. la consommation de fuel et de produits phytosanitaires est aussi plus limitée.
« Certains éleveurs sont allés plus loin », souligne Benoît Rubin, de l’Institut de l’élevage, « en diminuant par exemple la concentration en protéine dans la ration, en introduisant du trèfle dans les prairies,… »

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